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Des Voltigeurs à la BRAV-M : continuités et évolutions de la répression motorisée

Voltigeurs motoportés (PVM)

Genèse d’une méthode brutale et controversée

Nés en 1969 sous l’impulsion de Raymond Marcellin, alors ministre de l’Intérieur, les pelotons de PVM sont une réponse directe aux faiblesses du maintien de l’ordre révélées par Mai 1968. Leur principe : des binômes de policiers, l’un au guidon, l’autre armé d’un long bâton de défense, sillonnent les rues étroites de Paris pour disperser rapidement les manifestants, notamment en fin de cortège. Cette « cavalerie légère » s’inspire des charges de gendarmerie montée d’avant-guerre et vise à « ratisser » les quartiers sensibles, instaurant une dynamique de chasse à l’individu isolé.

La violence de leurs interventions, souvent aveugle, est dénoncée dès les années 1970. Le drame du 6 décembre 1986, lors duquel trois voltigeurs frappent mortellement l’étudiant Malik Oussekine dans le Quartier latin, cristallise l’opprobre public et politique. Ce décès, survenu en marge des manifestations contre la réforme Devaquet, entraîne la dissolution immédiate du PVM et marque durablement la mémoire collective.


BRAV-M

Modernisation technique, critiques persistantes

En mars 2019, dans le contexte des Gilets jaunes, la Brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M) voit le jour. Héritière des Détachements d’action rapide (DAR), cette unité reprend la logique de mobilité et d’intervention éclair des voltigeurs, adaptée à la traque des « casseurs » dans un contexte urbain mouvant. Les agents, équipés de motos puissantes et de moyens de communication cryptés, bénéficient d’un arsenal modernisé : LBD 40, grenades de désencerclement, équipements de protection renforcés.

Si la doctrine officielle se veut plus encadrée, la BRAV-M reproduit une partie des méthodes des PVM : rapidité, effet de surprise, ciblage des manifestants isolés. Les critiques pointent une judiciarisation accrue de la contestation et des interpellations musclées, souvent documentées par des vidéos virales montrant des violences sur des manifestants ou des journalistes. La confusion entre maintien de l’ordre et répression indiscriminée demeure un reproche récurrent.


Héritage commun

Mobilité, intimidation, et symbolique répressive

Voltigeurs et BRAV-M incarnent une même philosophie d’intervention : privilégier la mobilité, l’intimidation et la dispersion rapide lors de crises sociales majeures (Mai 68, Gilets jaunes, mouvement contre la réforme des retraites). Si la BRAV-M s’inscrit dans un cadre juridique et technologique modernisé, elle hérite des ambiguïtés structurelles des PVM : la tentation du passage à l’acte violent, la difficulté à différencier manifestant et « casseur », et une esthétique « viriliste » qui questionne la place de la police dans l’espace public.

La médiatisation de leurs interventions, loin d’apaiser les tensions, alimente le débat sur la légitimité de ces unités motorisées. Leur histoire, marquée par la mort de Malik Oussekine pour les voltigeurs et par de multiples polémiques pour la BRAV-M, illustre la persistance d’une répression mobile dont l’efficacité opérationnelle reste indissociable d’une forte contestation démocratique.

Mise à jour :lundi 16 juin 2025
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