Dossiers Marseille

L’affaire de la prison clandestine d’Arenc un épisode sombre de l’histoire française qui s’est déroulé entre 1963 et 1975 à Marseille.

La prison clandestine d’Arenc : histoire d’un scandale d’État

La prison clandestine d’Arenc est un hangar désaffecté situé entre le bassin d’Arenc et la Grande Joliette, sur le port de Marseille. Dès 1963, ce lieu est utilisé secrètement par la préfecture pour y enfermer des étrangers, principalement des Algériens, en attente d’expulsion, en dehors de tout cadre légal, malgré les accords d’Évian qui garantissaient la liberté de circulation aux Algériens.

L’association Aide aux travailleurs d’outre-mer (ATOM), à qui la préfecture a confié la gestion de plusieurs centres sociaux à Marseille, assurait le linge et le nettoyage des dortoirs de cette prison clandestine. Ce qui montre que ce lieu, bien que qualifié de « clandestin », est connu de certains acteurs institutionnels.

Certains résidents algériens à Marseille sont au aussi courant qu’il y a une prison à Arenc.

Entre 1963 et 1975, près de 30 000 Algériens sont arrêtés et retenus arbitrairement à Arenc, en violation de leurs droits.

Des femmes et des enfants, refoulés dès l’entrée sur le territoire, sont isolés dans un petit local exigu réservé à cet effet.

Au total, environ 100 000 personnes, dont de nombreux enfants, ont transité par ce hangar en 43 ans d’existence. Les personnes sont entassées, plusieurs jours, sans possibilité de prévenir leurs proches, totalement soumises à l’arbitraire de la police, sans accès à la justice ni à un avocat.

Les conditions d’enfermement à Arenc sont particulièrement dures : locaux vétustes, mal chauffés, sans douches, nourriture réduite à deux œufs durs, du fromage, du pain et quelques sardines. Le désespoir est tel que certains « retenus » tentent de se suicider avec des boîtes de conserve.

En 1969, une grève de la faim est brutalement réprimée par l’expulsion des « meneurs ».

L’affaire éclate le 16 avril 1975, lorsque l’avocat Sixte Ugolini alerte la presse sur la disparition de son client Mohamed Chérif, un Marocain en situation régulière, enlevé par la police après une convocation à la préfecture. Alerté par ses proches, Sixte Ugolini découvre l’existence du centre clandestin.

L’affaire, relayée par des journalistes comme Alex Panzani, journaliste à La Marseillaise, devient un scandale national et révèle l’ampleur des pratiques illégales de l’État français en matière d’expulsion d’étrangers en dehors de tout cadre juridique.

Le scandale provoque une onde de choc dans le monde judiciaire local, certains magistrats découvrant l’existence du centre à cette occasion. Des plaintes pour arrestation illégale et séquestration arbitraire sont déposées, sans suite immédiate. Le ministère de l’Intérieur tente de la présenter comme un « centre de transit » légal, mais la « rétention » n’avait aucun fondement juridique. Le préfet des Bouches-du-Rhône assume publiquement la responsabilité de l’utilisation du hangar, révélant l’implication de l’administration à tous les niveaux.

Face au scandale, la pratique est progressivement institutionnalisée : le centre d’Arenc préfigure les centres de rétention administrative (CRA), légalisés en 1981 sous un gouvernement socialiste.

L’affaire d’Arenc marque le début de la politique française de rétention administrative des étrangers et demeure un symbole des dérives de l’État de droit à l’encontre des migrants. Malgré l’ampleur du scandale, ce pan de l’histoire a largement sombré dans l’oubli, sans aucune trace commémorative sur le site.

Arenc, le matin des centres de rétention de 1963 à 2006 PDF Brochure ARENC cahier.cleaned PDF

Implication de l’Aide aux travailleurs d’outre-mer (Atom) dans la gestion d’Arenc : « la prison clandestine d’Arenc »

Implication de l’Aide aux travailleurs d’outre-mer (Atom) dans la gestion d’Arenc : « la prison clandestine d’Arenc »

Ce hangar d’Arenc a été utilisé dès 1963 pour enfermer des étrangers, principalement des Algériens, en attente d’expulsion. Cette pratique fonctionne hors du cadre juridique ce qui a conduit à qualifier ce lieu de "prison clandestine ».

L’ATOM était chargé par la préfecture de la gestion logistique de ce lieu d’enfermement banalisé.

Dans ce cadre, l’Atom a participé à l’accueil et à la prise en charge des étrangers en transit au port d’Arenc, notamment ceux qui étaient maintenus sur place en attente de leur expulsion. Cette mission comprenait la gestion logistique, comme le nettoyage des dortoirs, les repas et la fourniture de vêtements pour les « retenus ».

L’Atom est créée en 1950 pour remédier aux difficultés d’insertion de la population immigrée à Marseille.

Sous l’autorité de Louis Belpeer, l’Atom a créé un vaste réseau de travail « social » sur la ville, devenant incontournable. Louis Belpeer est un universitaire chrétien impliqué notamment dans le fonctionnement du centre d’Arenc.

Un rapport stipule que "l’accueil" des migrants faisait partie des missions de l’Atom qui avait "deux antennes à la gare et au port avec un service de premiers secours, de renseignements et de réglementation". La proximité des locaux de l’ATOM de la gare et du port facilitait le « retour forcé » des migrants ou des sans-papiers.

Pourtant les personnes ayant travaillé pour l’Atom ont du mal à se souvenir des activités de l’association sur les quais, et paraissent même étonnées d’apprendre le lien de l’Atom avec « la prison d’Arenc ».

Dans un entretien, Louis Belpeer revient sur son expérience des années 1960. Dans le cadre de sa mission d’accueil, il lui arrivait de s’occuper d’étrangers maintenus sur le port pour permettre leur renvoi direct. Il gérait "un de ces frigos" (hangar servant de zone de transit) avec du personnel. Louis Belpeer a refusé de collaborer lorsque des personnes résidant déjà en France ont été amenées sur le port. Il a dit au préfet : "Moi je ne fais pas le flic. Mettez des services de police, moi je ne fais pas ce métier-là".

Cependant, son rôle et celui de l’ATOM ont suscité des controverses. L’ATOM a géré le centre d’Arenc dans un cadre qualifié de "hors la loi", puisque la rétention administrative n’était pas encore inscrite dans le droit français avant 1980. Cette collaboration avec les autorités policières a été perçue comme une forme de complicité dans des pratiques arbitraires et répressives.

Les « retenus » étaient soumis à des traitements indignes, tels que la désinfection à la bombe aérosol et un hébergement dans des locaux vétustes.

Des cas de séquestration arbitraire et d’expulsions abusives ont été largement médiatisés, notamment lors de l’affaire révélée par l’avocat Sixte Ugolini en 1975.

 

 

 


Liens

https://marsactu.fr/lhistoire-oubliee-de-la-prison-clandestine-darenc/

https://www.cairn.info/revue-z-2009-2-page-14.htm

Histoire d’un scandale, celui de "la prison clandestine marseillaise",
https://www.facebook.com/watch/?v=9047354258610456

L’histoire de la "prison d’Arenc" à Marseille
https://www.facebook.com/watch/?v=3918277731760651

Dalila MAHDJOUB document d’artiste PACA
https://documentsdartistes.org/artistes/mahdjoub/repro-murs.html

Journal La Marseillaise : Une prison clandestine pour étrangers sortie des limbes
https://www.lamarseillaise.fr/culture/une-prison-clandestine-pour-etrangers-sortie-des-limbes-NA16704119

Des centres de détention aux lieux de refoulement : entre absence d’information nationale et harmonisation européenne
https://journals.openedition.org/e-migrinter/423

Arenc : au matin des centres de rétention L’enfermement des étrangers à Marseille de 1963 à 2006
https://www.millebabords.org/spip.php?article22023

https://guidedumarseillecolonial.org/Arenc

L’histoire de la "prison d’Arenc" à Marseille
https://www.facebook.com/watch/?v=3918277731760651

Collection Documentaire Via StellaUn Hangar sur le port
https://www.france.tv/documentaires/documentaires-societe/6543734-un-hangar-sur-le-port.html

 

 

Mise à jour :lundi 16 juin 2025
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