Les conditions d’enfermement étaient déplorables. Les locaux sont vétustes et mal chauffés. Il n’y avait pas de douches. La nourriture insuffisante (deux œufs durs, fromage, pain et sardines).
Plusieurs détenus ont utilisé les boîtes de conserve pour tenter de se suicider. En 1969, une grève de la faim est réprimée par l’expulsion des « meneurs ».
Les femmes et les enfants, refoulés dès leur entrée sur le territoire, se retrouvent dans un petit local est réservé pour l’isolement.
L’association Aide aux travailleurs d’outre-mer (ATOM), à laquelle la préfecture a confié la gestion de plusieurs centres sociaux d’accueil à Marseille, prend en charge le linge et le nettoyage des dortoirs de la prison clandestinne.
L’affaire éclate le 16 avril 1975 lorsque l’avocat Sixte Ugolini dénonce l’enlèvement de son client Mohamed Chérif un Marocain en situation régulière .
Alex Panzani journaliste à La Marseillaise a été mis dans la confidence par l’avocat Sixte Ugolini « concernant l’existence présumée d’un centre de détention illégal » sur le port d’Arenc. Suite à cette enquête, Alex Panzani a publié en septembre 1975 un livre intitulé "Une prison clandestine de la police française : Arenc ».
On découvre alors l’existence de ce hangar désaffecté sur le port d’Arenc que la préfecture utilise en secret et en dehors de tout cadre juridique. Le scandale prend une ampleur nationale, forçant le ministère de l’Intérieur à réagir. Les centres de rétention administrative seront légalisés en octobre 1981
Implication de l’Aide aux travailleurs d’outre-mer (Atom) dans la gestion d’Arenc : « la prison clandestine d’Arenc »
Ce hangar d’Arenc a été utilisé dès 1963 pour enfermer des étrangers, principalement des Algériens, en attente d’expulsion. Cette pratique fonctionne hors du cadre juridique ce qui a conduit à qualifier ce lieu de "prison clandestine ».
L’ATOM était chargé par la préfecture de la gestion logistique de ce lieu d’enfermement banalisé.
Dans ce cadre, l’Atom a participé à l’accueil et à la prise en charge des étrangers en transit au port d’Arenc, notamment ceux qui étaient maintenus sur place en attente de leur expulsion. Cette mission comprenait la gestion logistique, comme le nettoyage des dortoirs, les repas et la fourniture de vêtements pour les « retenus ».
L’Atom est créée en 1950 pour remédier aux difficultés d’insertion de la population immigrée à Marseille.
Sous l’autorité de Louis Belpeer, l’Atom a créé un vaste réseau de travail « social » sur la ville, devenant incontournable. Louis Belpeer est un universitaire chrétien impliqué notamment dans le fonctionnement du centre d’Arenc.
Un rapport stipule que "l’accueil" des migrants faisait partie des missions de l’Atom qui avait "deux antennes à la gare et au port avec un service de premiers secours, de renseignements et de réglementation". La proximité des locaux de l’ATOM de la gare et du port facilitait le « retour forcé » des migrants ou des sans-papiers.
Pourtant les personnes ayant travaillé pour l’Atom ont du mal à se souvenir des activités de l’association sur les quais, et paraissent même étonnées d’apprendre le lien de l’Atom avec « la prison d’Arenc ».
Dans un entretien, Louis Belpeer revient sur son expérience des années 1960. Dans le cadre de sa mission d’accueil, il lui arrivait de s’occuper d’étrangers maintenus sur le port pour permettre leur renvoi direct. Il gérait "un de ces frigos" (hangar servant de zone de transit) avec du personnel. Louis Belpeer a refusé de collaborer lorsque des personnes résidant déjà en France ont été amenées sur le port. Il a dit au préfet : "Moi je ne fais pas le flic. Mettez des services de police, moi je ne fais pas ce métier-là".
Cependant, son rôle et celui de l’ATOM ont suscité des controverses. L’ATOM a géré le centre d’Arenc dans un cadre qualifié de "hors la loi", puisque la rétention administrative n’était pas encore inscrite dans le droit français avant 1980. Cette collaboration avec les autorités policières a été perçue comme une forme de complicité dans des pratiques arbitraires et répressives.
Les « retenus » étaient soumis à des traitements indignes, tels que la désinfection à la bombe aérosol et un hébergement dans des locaux vétustes.
Des cas de séquestration arbitraire et d’expulsions abusives ont été largement médiatisés, notamment lors de l’affaire révélée par l’avocat Sixte Ugolini en 1975.