La marche pour l’égalité et contre le racisme

La marche une épopée improbable

Une épopée improbable

La marche pour l’égalité des droits et contre le racisme est partie le 15 octobre 1983 de Marseille et est arrivée à Paris le 3 décembre 1983

Durant l’été 1983, des affrontements opposent des policiers et des jeunes dans le quartier des Minguettes et de Vénissieux dans banlieue lyonnaise. Toumi Djaïdja, président de l’association SOS Avenir Minguettes, est grièvement blessé par un policier. Le père Christian Delorme et le pasteur Jean Costil, de la Cimade, proposent aux jeunes des Minguettes une longue marche non violente. Un collectif est composé de 17 dont 9 sont issus du quartier des Minguettes pour commencer leur marche en partant de Marseille jusqu’à paris en traversant la France des villes et des villages.

A Marseille près d’une centaine de personnes répondent à l’appel d’un groupe de marcheurs des Minguettes, et du comité d’accueil marseillais composé de Radio Gazelle ainsi que de l’ASTI, le CIDIM, la CIMADE, le MRAP, la LCR, le PCML et PSU…

Le 15 octobre 1983 la marche pour l’égalité et contre le racisme est partie de la cité de transit de la Cayolle. Quelque mois plus tôt un attentat à l’explosif, signé par un groupe d’extrême droite (comité Charles Martel), a fait une victime Jean Christophe Latchouman âgé de 11 ans et blessé son frère.

Le cortège traverse les quartiers sud en direction du vieux port puis se dirige vers les quartiers nord en passant par la Busserine, les Flamants, la Paternelle, Bassens.

Pendant le parcours, les marcheurs décident de se mobiliser contre les graffitis racistes qui tapissent les murs de la ville.

Malgré l’appel à la presse, les journalistes des grands médias locaux et nationaux ne trouvent aucun intérêt à l’évènement.

Seuls les journaux et médias indépendants couvriront l’évènement : le journal Sans Frontière, fanzines Rencar de Corbeilles-Essonne, Radio Gazelle, Radio-Soleil Goutte d’Or et Ménilmontant, Radio Beur (Paris), A.V.E.C (Aix-en-Provence), le journal de la FASTI et l’agence IM’média.) Pierre Ciot, y participe comme photographe indépendant et que militant.

Des cars sont affrétés et des centaines de personnes feront le déplacement de Marseille à Paris, formant un cortège énergique sous une grande banderole : « les jeunes de Marseille ».

L’arrivée à Paris est massivement relayée par la presse. Le journal télévisé du soir s’ouvre sur des milliers de visages pleins d’espoirs avec les marcheurs Toumi et Malika en direct.

 

 

Un pari fou

La marche a contribué à visibiliser les violences policières, notamment à l’encontre des jeunes, et les luttes portés par une nouvelle génération.

Les marcheurs ont quitté Marseille en direction de la ville d’Aix en Provence, c’est à partir de là que l’aixois Bouzid Kara les a rejoint.

28 octobre 1983 forum justice à Vaulx-en-Velin

Le 28 octobre 1983 la Marche fait une étape de Vaulx-en-Velin. Un forum justice est organisé dans la soirée en présence de la mère de Wahid Hachichi, adolescent de 16 ans abattu un an auparavant à Lyon. Tout comme Vénissieux, Vaulx-en-Velin symbolise, à l’époque, le malaise des banlieues françaises minées par l’exclusion, la violence et les inégalités.

C’est en 1979, dans la ZUP de Vaulx-en-Velin éclatent les premières grandes émeutes urbaines. Elles font du à une tentative de suicide d’un jeune « Maghrébin » poursuivi par des policiers, de violents affrontements éclatent entre jeunes et forces de l’ordre dans la cité de la Grappinière. Cet événement aura un fort retentissement tant au niveau local que national, surtout parmi les jeunes de Vaulx-en-Velin qui, à travers leurs actes violents, dénoncent le racisme, les violences policières et les inégalités.

Les marcheurs se rendront au forum justice organisé à la salle Amphis par la Wahid association. Celle-ci, portée par des familles victimes de crimes racistes ou sécuritaires, est créée après la libération du meurtrier du jeune Wahid Hachichi afin de sensibiliser la société à l’impunité dont bénéficient les « tueurs de frisés ».

La marche a traversé plusieurs villes de France sans grands échos médiatiques. Les marcheurs sont dans l’est de la France lorsqu’ils apprennent l’assassinat d’Habib Grimzi le14 novembre 1983 par défenestration dans le train Bordeaux-Vintimille par trois candidats à la Légion étrangère pour des motifs racistes Ce crime odieux a été commis devant 95 passagers sans que personne n’intervienne. C’est ce drame qui a interpellé les médias et les politiques sur crimes racistes que subissaient les descendants des immigrations postcoloniales.

Est cet évènement tragique qui pousse plus de 100 000 personnes à se retrouver dans la capitale alors qu’ils n’étaient qu’une poignée à être partis de Marseille 2 mois plus tôt.

 Les ministres Huguette Bouchardeau et Jack Lang et de nombreuses personnalités de la culture et des médias sont présent.

Le président Mitterrand reçoit les marcheurs à l’Elysée. Le keffieh, symbole de la résistance palestinienne, porté par certains marcheurs ne sera pas admis dans l’enceinte du palais présidentiel.

Des annonces sont faites à l’issue de cette entrevue à laquelle assistent des marcheurs accompagnés par le père Christian Delorme

  • la création prochaine de la carte unique de dix ans pour les étrangers pour remplacer les cartes de séjour et de travail. Rappelons que les algériens bénéficiaient déjà de la carte de 10 ans.
  • des mesures de principe sont annoncées pour que justice soit rendue aux jeunes victimes et à leur famille, pour que les associations de quartier soient autorisées à se constituer partie civile dans les affaires de crimes racistes. Mais les associations devaient avoir moins de 5 ans d’existence pour y prétendre, ce qui n’étaient pas le cas des associations d’immigrés dont l’existence ne fût possible qu’à partir de 1981
  • Le développement social des quartiers sera désormais considéré comme une priorité nationale. Par ailleurs on annonce la limitation des ventes d’armes.

 

 

« J’étais jeune mais j’étais avec eux.
Pierrot, Zohra, Mireille, Saïd, Yamina, Tahar, Hanifa, Raïb, Zoubida, Tahar, Hanifa, Azzedine, Farat. Ce qui a poussé cette génération à marcher de Marseille jusqu’à la capitale, c’est un événement que l’on connaît encore aujourd’hui : la mort d’un homme parce qu’il n’avait pas la bonne couleur de peau, la bonne confession, la bonne adresse.
C’étaient des citoyens, des pionniers, ils nous ont inspirés. Ils ont permis à des femmes et des hommes comme moi, issus de l’immigration, à garnir les travées des hémicycles républicains.
Ils ont déclenché l’espoir et fait vibrer la « Douce France » que l’on chantait dans cette foule qui marchait dans les rues de Paris.
La République se nourrit des combats de celles et de ceux qui se lèvent face à l’inacceptable. »

Samia Galli

 

 

 

Mise à jour :mardi 6 mai 2025
| Mentions légales | Plan du site | RSS 2.0