Le 27 octobre 2005 à Clichy-Sous-Bois, trois adolescents âgés de quinze et dix-sept ans, poursuivis par des policiers, alors qu’ils n’avaient commis aucun délit, vont escalader les grilles d’un site EDF pour s’y réfugier. Zyed Benna et Bouna Traoré y trouvent la mort, foudroyés par une décharge de 20 000 volts, Muhittin Altun est gravement blessé.
« Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité » avait déclaré Nicolas Sarkozy à la Courneuve en juin de la même année.
Une révolte sociale démarre spontanément la nuit même. Partie de Clichy-Sous-Bois, elle va se développer largement pendant trois semaines, s’étendant aux quartiers d’une centaine de villes.
Dominique de Villepin, chef du gouvernement qui compte dans ses rangs le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy, décrète l’état d’urgence à partir du 8 novembre. Créé par la loi d’avril 1955 pour s’opposer à la lutte du peuple algérien, l’état d’urgence n’avait plus jamais, jusqu’à ce jour, été utilisé. Cette situation d’exception permet aux préfets de restreindre les libertés sans passer par les juges (interdiction de circulation, de manifestation, perquisition sans mandats, assignation à résidence, etc.).
Les policiers, jugés près de dix ans plus tard pour non-assistance à personne en danger, ont finalement été relaxés. Pourtant un des policiers avait prévenu ses collègues : « S’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau ».
Vingt ans plus tard, la douleur demeure pour ces familles. Chaque nom de victime rappelle une même colère : celle de l’injustice, de l’impunité et du mépris. Ces morts ne sont pas des accidents, mais les conséquences d’un système qui criminalise l’origine sociale, la couleur de peau.
Les dispositifs juridiques comme le Code noir puis le Code de l’indigénat ont servi longtemps à légitimer l’asservissement, la déshumanisation et la répression systématique des peuples colonisés. Bien qu’abolis, ils continuent pourtant, d’une manière insidieuse, à alimenter le préjugé que les populations non-blanches constituent une menace pour « l’ordre républicain ».
Dans les quartiers populaires, la présence policière n’évoque pas la sécurité, mais la peur et la révolte contre un système de plus en plus répressif. Courir par peur de la police est la réalité encore aujourd’hui pour de nombreux jeunes des quartiers populaires.
Dans une République qui se veut égalitaire, comment accepter qu’à 17 ans, un jeune « racisé » risque mourir lors d’un simple contrôle de police ?
Nous refusons de nous habituer, nous refusons que l’État se déresponsabilise. Vingt ans après Zyed et Bouna, l’exigence de justice reste urgente et toujours d’actualité. Nahel Merzouki, 17 ans, est tué par le tir à bout d’un policier lors d’un banal contrôle le 27 juin 2023 ce qui va aussi provoquer une nouvelle révolte sociale durement réprimée.
Le 14 novembre 2005, trois jours avant la fin des révoltes, le président Jacques Chirac déclarait : « Je veux dire aux enfants des quartiers difficiles qu’ils sont tous les filles et les fils de la République. »
Pourtant, malgré quelques opérations urbaines et des promesses de réhabilitation, les quartiers populaires restent marginalisés.
Au cours des vingt dernières années, le nombre de personnes tuées, directement ou indirectement, à la suite d’une intervention des forces de l’ordre a plus que doublé. Près d’un tiers de ces décès surviennent après un contrôle ou une tentative de contrôle policier.
bondyblog
https://www.bondyblog.fr/opinions/les-18-ans-que-zyed-et-bouna-nont-pas-eu-le-temps-davoir/