L’AFMA naît à Marseille dans les années 1980, dans un climat marqué par une montée des violences racistes et des brutalités policières visant particulièrement les populations issues de l’immigration maghrébine. Cette période voit également l’émergence de mobilisations autonomes portées par les héritiers de l’immigration postcoloniale, notamment grâce à la loi du 9 octobre 1981 qui ouvre le droit d’association aux étrangers.
L’association rassemble des femmes issues de l’immigration maghrébine, parmi lesquelles Yamina Benchenni, Hanifa Taguelmint et Fatima Benchenni. Elles s’organisent collectivement pour lutter contre les discriminations, le racisme et les violences policières. Leur objectif est de créer un espace autonome « par et pour » les femmes maghrébines, afin de porter leur parole et de défendre leurs intérêts spécifiques, souvent invisibilisés dans les autres mouvements sociaux ou associations généralistes.
L’AFMA articule la lutte féministe et la lutte antiraciste, considérant ces deux combats comme indissociables pour les femmes issues de l’immigration, confrontées à la fois au sexisme et au racisme.
L’association défend des causes spécifiques telles que la lutte contre les mariages forcés et la dénonciation des violences policières.
Elle soutient activement les familles de victimes de violences policières et participe aux mobilisations publiques, rejoignant notamment les mères de famille qui manifestent contre les meurtres de jeunes dans les quartiers populaires.
L’AFMA fonctionne de manière horizontale, favorisant la participation active de toutes et rompant avec les modèles traditionnels de domination.
L’AFMA se distingue par sa volonté d’autonomie politique et par une analyse fondée sur l’expérience concrète des femmes issues de l’immigration, à la différence des grandes organisations antiracistes de l’époque.
Le 24 novembre 1983 l’AFMA organise un Forum Justice en soutien à la famille de Lahouari Ben Mohamed. L’objectif de ce forum est la rencontre entre les familles de victimes, les avocats et les militants pour que les meurtriers de crimes racistes se retrouvent aux assises.
L’AFMA joue un rôle dans la vie culturelle et médiatique locale de Marseille, en participant à la création de Radio Gazelle, s’investie dans la troupe du théâtre Taanous avec Ferath Tayari...
L’AFMA s’inscrit dans le courant du féminisme antiraciste, précurseur de ce qui sera désigné comme féminisme intersectionnel ou décolonial.
Elle a contribuée à visibiliser les luttes spécifiques des femmes issues de l’immigration et à inspirer les générations suivantes de militantes féministes et antiracistes.
« Nous avons créé l’association des femmes maghrébines en action qui abordait les questions de justice de femmes fugueuses. On organisait aussi des soirées culturelles avec le théâtre et on découvrait Kateb Yacine, on remplissait la Maison des Étrangers. On a créé un forum justice avec les familles, les avocats, le syndicat de la Magistrature et les jeunes. »
L’AFMA est née d’une urgence sociale et politique face à la violence raciste et policière, et a joué un rôle pionnier dans la structuration d’un féminisme maghrébin autonome à Marseille. Elle a su articuler de façon innovante luttes féministes et antiracistes, tout en créant des espaces d’expression et de solidarité pour les femmes issues de l’immigration.
L’association GANACJ a été créée en 1981 dans le quartier des Flamants à Marseille, dans un contexte de forte tension liée à la mort de Lahouari Ben Mohamed, un adolescent de 17 ans tué par un CRS lors d’un contrôle de police le 18 octobre 1980. Ce drame s’inscrit dans une série de violences policières et de crimes racistes visant principalement des jeunes issus de l’immigration maghrébine dans les quartiers populaires bien avant les années 1980.
GANACJ est née de la mobilisation d’un petit groupe de jeunes du quartier, révoltés par la mort de Lahouari Ben Mohamed, l’un des leurs, et déterminés à empêcher que le procès du CRS impliqué ne tombe dans l’oubli. Leur objectif principal était de maintenir la pression pour que le procès du policier soit jugé aux assises, et non en correctionnelle, afin de reconnaître la gravité des faits et d’obtenir justice.
L’association a ainsi organisé des manifestations, notamment devant le palais de justice d’Aix-en-Provence, pour réclamer un traitement judiciaire exemplaire de l’affaire. Cette mobilisation locale s’inscrivait dans une dynamique plus large de dénonciation des discriminations et des violences subies par la « deuxième génération » d’immigrés, alors en pleine émergence dans l’espace public français.
GANACJ a incarné une forme de mobilisation autonome, centrée sur l’attachement au quartier et la solidarité entre jeunes, en rupture avec les formes traditionnelles de militantisme politique ou syndical.
L’affaire Lahouari Ben Mohamed et la mobilisation de GANACJ ont eu un retentissement important à Marseille et au-delà, contribuant à éveiller les consciences sur la question des violences policières et du racisme institutionnel. Ce contexte a également favorisé, deux ans plus tard, le départ de la Marche pour l’égalité et contre le racisme depuis Marseille, symbole d’une nouvelle génération d’engagement citoyen issu des quartiers populaires.
GANACJ fut une association emblématique de la mobilisation des jeunes issus de l’immigration dans les années 1980, née d’un drame et d’une volonté de justice face à l’impunité policière et aux discriminations persistantes.
Les Forums Justice : riposte collective contre l’impunité raciste.
Dans les années 1980 partout en France, des voix se lèvent. À Vénissieux, Vaulx-en-Velin, Nanterre, Paris, Marseille, les Forums Justice surgissent comme des bastions de résistance face à l’impunité raciste et à l’arbitraire judiciaire.
Ils sont portés par la détermination des familles de victimes, des avocats engagés, des syndicalistes de la magistrature, des jeunes militants et militantes, qui refusent de se taire. Ensemble, ils brisent le silence, imposent la question de la justice pour les victimes de crimes racistes au cœur de l’espace public.
À Vaulx-en-Velin, un Forum Justice est organisé par l’association Wahid. Aux côtés des mères et familles frappées par la violence raciste ou sécuritaire, elle organise le 28 octobre un Forum Justice, un an après l’assassinat de Wahid Hachichi par un jeune « tonton-flingueur ». Ce forum, à la veille de l’arrivée des Marcheurs à Lyon, voit arriver Toumi, Djamel, Bouzid, Farid et Brahim des Minguettes, figures de la marche pour l’égalité. Hanifa Boudjellal, sœur de Zahir, tombé sous les balles à la Busserine en 1981, répond à l’appel. Touchée par la détermination de Mme Hachichi de “dépasser les pleurs” pour agir ensemble autour d’objectifs concrets, elle redescendra à Marseille déterminée à y organiser un nouveau Forum Justice.
Le 24 novembre 1983, à la Maison de l’étranger, l’Association de Femmes Maghrébines en Action (AFMA) organise un Forum Justice en soutien à la famille de Lahouari Ben Mohamed, 17 ans, abattu froidement par un CRS lors d’un contrôle routier. Les forums refusent que la justice se rende à huis clos, loin du peuple. Face à la volonté des autorités d’étouffer l’affaire en correctionnelle, la mobilisation exige la requalification en homicide volontaire et son renvoi devant les assises, dénonçant l’impunité policière et l’injustice systémique.
En mars 1984, l’AFMA et la G.A.N.C.J affrètent des bus pour amener les habitants devant le palais de justice d’Aix-en-Provence : la rue, le peuple, la mémoire sont là pour exiger des comptes.
Mais la justice trahit. Malgré l’engagement d’avocats comme Maître Cohen, il est connu pour son engagement en faveur des droits de l’homme et de la justice sociale, ou Collard aujourd’hui rallié à l’extrême droite, il faudra sept ans pour que le procès du CRS ait lieu. Résultat : dix mois de prison, dont quatre avec sursis. Une gifle, une insulte, une démonstration de l’impunité policière et de l’injustice systémique.
Ces forums s’inscrivent dans la dynamique de la Marche pour l’égalité de 1983, mais rappellent que la lutte contre le racisme et les violences policières ne date pas d’hier. L’AFMA, les familles, les jeunes, refusent la résignation. Ils rendent visibles les combats de l’ombre, imposent la dignité, exigent justice et égalité pour toutes et tous. Leur force, c’est la solidarité, la détermination, l’espoir d’un monde où la justice ne sera plus un privilège, mais un droit.
Face à l’impunité, la riposte s’organise. Les Forums Justice sont la voix des sans-voix, la mémoire des oubliés, la promesse que la lutte continue.