Le 14 février 2013, Yassin Aibeche, 19 ans, est tué d’une balle tirée par Frédéric Herrour, policier hors service en état d’ébriété, lors d’une altercation dans une épicerie de nuit du quartier Félix-Pyat à Marseille. L’agent, recruté en 2000 malgré un antécédent judiciaire (port d’arme illégal en 1996)1, avait enfreint le règlement en conservant son arme de service hors de ses heures de travail. La dispute aurait éclaté après que le policier ait reproché à Yassin de fumer un joint, bien que d’autres clients en fassent autant.
Une version policière contestée : Frédéric Herrour affirme avoir agi en légitime défense après une agression « anti-flic », évoquant un tir accidentel lors d’une chute. Les experts balistiques et la cour d’appel d’Aix-en-Provence ont rejeté cette thèse, soulignant que Yassin, touché à la fesse puis décédé d’une hémorragie, se trouvait à plusieurs mètres, tournant le dos au policier. La cour d’assises retiendra finalement l’intention homicide en décembre 2016, condamnant l’accusé à 12 ans de réclusion criminelle contre 13 à 15 ans requis.
Mobilisation et tensions structurelles
La mort de Yassin a déclenché une vague de colère dans le quartier Félix-Pyat, cristallisant des griefs anciens contre les violences policières. Les habitants dénoncent une « stratégie de diabolisation » post-mortem, notamment la focalisation médiatique sur la consommation de cannabis de la victime, et une « culture d’impunit » symbolisée par la réintégration de policiers de la BAC Nord précédemment impliqués dans des affaires criminelles2. Le rassemblement du 23 mars 2013, regroupant près de 150 personnes, a mis en lumière cette défiance, avec des slogans comme « Marseille, capitale de la violence policière ! ».
Conséquences judiciaires et symboliques
L’ami de Yassin, Tahar Ben Makri, qui l’avait transporté à l’hôpital, a été incarcéré pour dégradation de la devanture de l’épicerie, perçu comme un exemple de criminalisation des témoins. La famille Aibeche, soutenue par des collectifs locaux, a formulé 14 propositions aux autorités, exigeant une réforme des pratiques policières et un meilleur accompagnement des victimes. Le cas Frédéric Herrour, devenu emblématique, illustre les dysfonctionnements systémiques pointés par les associations : recrutement contesté, port d’arme illicite et manque de transparence.
Enjeux médiatiques et politiques
La couverture médiatique, notamment par La Provence, a été critiquée pour son traitement partial, accusée de victimiser le policier et de criminaliser Yassin. Les familles de victimes, comme celle d’Hakim Ajimi (mort en 2009 lors d’un contrôle), ont rappelé lors des rassemblements que « quarante ans après la Marche pour l’égalité, rien n’a changé ». La présence de CRS après l’annonce du décès, perçue comme une provocation, a exacerbé les tensions, reflétant un climat de défiance persistant.