
Akel Akian est né en 1952 au Maroc. Il a grandi dans le Rif. Fils de pêcheur-paysan, l’état marocain le dirige vers des études d’agriculture. Très vite, d’autant qu’il a rencontré le théâtre « par un trou de serrure » au lycée français de Tanger, il suivra un autre chemin, l’exil.
Embauché dans une usine textile à Lyon, il rencontrera Marcel Maréchal et son « Homme aux sandales de caoutchouc ». A l’époque, ce texte de Kateb Yacine est interdit par le maire de Lyon. Militant syndicaliste, Akel choisit son bord : celui de la contestation et de la solidarité contre la censure. Se noue son destin : il devient intime avec la troupe de Maréchal...
Lors d’une vague de licenciements dans son entreprise, il choisit d’être licencié à la place d’un ouvrier plus âgé…
C’est alors qu’il descend vers le sud, Aix-Marseille, la troupe étudiante de la fac, le mouvement des Travailleurs Arabes, Nabile Farès et le Théâtre de la Porte d’Aix. Il vit de petits boulots, donne des cours d’arabe « dans les quartiers ». En 1980, il crée sa propre compagnie : Le Théâtre de la Mer est né.
Akel devient le catalyseur d’un théâtre avec et pour ceux qui en sont exclus, un théâtre où la parole – le cri comme il dit - est donnée aux invisibles, à ceux que l’ont fait venir pour travailler dur et se taire. Pour qui s’en souvient, c’est la triste époque de l’émergence des cris de révolte des « cités » suite à une série de meurtres d’immigrés et d’enfants d’immigrés. Se créent le Théâtre Taa’nous à Bassens, le Théâtre des Flamants et bientôt, la marche pour l’égalité. Akel et son théâtre seront de ces combats, résolument, et la compagnie investira dès 1980 les Quartiers Nord de Marseille... Ateliers, créations théâtrales, bataille pour la création de l’Espace culturel Busserine... Akel et sa troupe « des quartiers de Marseille » sont là, tellement là qu’ils initient dès 1994 un « théâtre du réel » transcendé par la poétique akélienne avec la série des spectacles à partir d’interviews des habitants des cités (Baisers d’hirondelles, Drôles d’oiseaux, Je(ux) de dames, Amours/Toujours, Semences d’amour...)
Akel est un poète des mots, de la scène, de la vie. A ces gens des quartiers, il offre « leurs » auteurs (Kateb Yacine, Benjelloun, Driss Chraïbi, Mahmoud Darwich...) et des passerelles pour ouvrir à ces gens du centre (Shakespeare, Calderon... ) et fonder un théâtre monde où chacun pourra prendre place, prendre parole et corps. Le sens est au cœur de ses recherches et son théâtre est celui du partage. Sa poétique est du cœur autant que de l’intelligence, de l’incitation, de l’invitation plutôt que du déclaratif et du didactique.
Il devient une figure emblématique d’un autre théâtre à Marseille, un théâtre qui sait se situer sans s’enfermer, un théâtre de l’ouverture autant qu’un théâtre qui dégage une énergie singulière, celle de la jeunesse, un théâtre organique avant l’heure où corps, danses et chants ont la part belle pour faire résonner / raisonner l’Autre.
De création en création, de génération en génération, le Théâtre de la Mer vogue : MJC Corderie, Centres sociaux et maisons de quartiers, Maison de l’Étranger, Espace culturel Busserine, La Criée, Théâtre du Gymnase, Minoterie, Théâtre du Merlan... Rares sont les lieux de culture marseillais qui n’ont pas ouvert leurs portes à l’aventure atypique menée par Akel Akian. Au quotidien dans les quartiers comme sur les scènes locales, Akel porte également des projets hors région : créations et tournées (Lille, Annonay, Corbeil-Essonnes, Pays-Bas notamment où il est invité à monter une adaptation de Kateb Yacine, Festival de Fort de France où il rencontre Aimé Césaire, Festival de Carthage, créations au Maroc et participation à Marseille Provence 2013… Akel est partout et même « hors » du Théâtre de la Mer puisqu’il réalise plusieurs mises en scène de textes classiques français pour Théâtre 13.
Beaucoup se rappellent son Roméo et Juliette, Baisers d’hirondelles, L’étranger dans la maison ou Migrations blues…
C’est au moment où les portes s’ouvrent pour lui avec une reconnaissance accrue de son travail et au moment où l’R de la mer, le lieu qu’il a rêvé pour son travail est inauguré que la maladie l’emporte en janvier 2012.
… Pourtant, le navire va de l’avant, l’R de la mer trace sa route, d’abord avec Frédérique Fuzibet comme tête de pont, aujourd’hui sous la houlette de Louisa Amouche, comédienne, danseuse, metteure en scène rencontrée par la Cie … à la Busserine.