SOS Racisme : une histoire entre mobilisations et controverses
Fondée le 15 octobre 1984, SOS Racisme émerge un an après la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Portée par des figures comme Julien Dray (ex-trotskiste proche du PS) et Harlem Désir (premier président), l’association bénéficie du soutien de personnalités telles que Bernard-Henri Lévy, présent dès les premières réunions.
Son logo une main jaune accompagnée du slogan « Touche pas à mon pote » devient un symbole médiatique, mais suscite des critiques pour son approche jugée dépolitisante, raciste et paternaliste.
Le "pote" devient un spectateur passif dépendant de la protection d’autrui. En réduisant le racisme à un rapport interindividuel, ce slogan occulte les dimensions structurelles et institutionnelles du problème. En mettant l’accent sur une réaction émotionnelle le slogan dépolitise la lutte antiraciste en la réduisant à une question de sentiment personnel plutôt qu’à un combat politique pour dénoncer un racisme "systémique". L’utilisation du terme "pote" et la posture protectrice sont infantilisantes.
Instrumentalisation politique et marginalisation des mouvements issus des quartiers
Dès sa création, SOS Racisme est accusé de récupérer la dynamique des luttes des quartiers populaires. Alors que la Marche de 1983, organisée par des jeunes issus de l’immigration, rassemble 100 000 personnes à Paris, SOS Avenir Minguettes (à l’origine de la mobilisation) et d’autres collectifs autonomes ne reçoivent aucun soutien institutionnel comparable. C’est la 2ème grosse manifestation après celle de mai 1968
Serge Malik, cofondateur de SOS Racisme, dénonce dans Histoire secrète de SOS Racisme (1990) une mainmise du Parti socialiste et des réseaux trotskistes, ainsi qu’une surreprésentation de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), marginalisant les jeunes des cités. Jacques Attali affirmera plus tard que l’association a été créée « de toutes pièces » depuis l’Élysée.
Un antiracisme « moral » versus les revendications sociales
Le slogan « Touche pas à mon pote » est critiqué pour son individualisation du racisme, réduit à un comportement personnel plutôt qu’à un système structurel.
Hamé (du groupe La Rumeur) fustige une lutte antiraciste transformée en « accès aux boîtes de nuit », évacuant les questions de violences policières et d’inégalités socio-économiques.
Les concerts organisés par l’association, comme celui du Champ de Mars en 1985, symbolisent cette priorité médiatique au détriment des enjeux concrets des banlieues.
Financements étatiques et accusations de carriérisme
SOS Racisme bénéficie de subventions via des organismes comme le FASILD, alimentant les critiques sur son indépendance politique. En 2015, L’Humanité relève des accusations de « pompe à fric » et de « coquille vide » événementielle, soulignant son rôle de « récupération » par le PS. L’association est également pointée pour son silence relatif sur le conflit israélo-palestinien et les tensions internes lors de la guerre du Golfe (1991).
Un positionnement clivant face aux nouvelles luttes
SOS Racisme s’oppose fermement aux réunions en non-mixité (qualifiées de « racialistes » en 2017).
Si l’association reste active via des campagnes de testing contre les discriminations, ses détracteurs lui reprochent une vision républicaine figée, peu à même de répondre aux racismes systémiques.
Entre médiatisation habile et instrumentalisation partisane, SOS Racisme incarne les ambiguïtés d’un antiracisme institutionnel, tiraillé entre pédagogie républicaine et défiance persistante des mouvements issus des quartiers populaires.
Décalage avec les quartiers populaires
L’approche universaliste de l’association invisibilise les spécificités des habitants des quartiers populaires et des discriminations qu’ils subissent. Alors que des études récentes révèlent des pratiques systémiques (comme les contrôles policiers abusifs), SOS Racisme reste perçu comme éloigné des revendications locales portées par les militants issus de l’immigration.